La maison, cette révolution permanente

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Hier la mode était au tout plastique, aujourd’hui elle est au 100 % green. Demain la maison sera « augmentée » et en « coliving ». Mais la quête est toujours la même : mieux vivre ensemble.

Elle en a fait des progrès, la maison française. Et ce n’est pas fini ! Les perspectives sont réjouissantes. « Si l’écologie et la cohabitation sont au cœur du logement du futur, on vient de loin, rappelle Monique Eleb, sociologue spécialiste de l’habitat et chercheuse au CNRS. En 1945, seulement 6 % des Français avaient une salle de bains. » Marie, aujourd’hui directrice artistique, s’en souvient bien : « On se lavait dans la cuisine avec une bassine et les toilettes étaient partagées, sur le palier. J’ai eu ma première salle de bains en 1970. » Avoir l’eau chaude à l’évier a été la révolution des années 1950 avec la politique des grands ensembles initiée par Le Corbusier et développée jusqu’aux années 1970. Une politique publique visant à multiplier les logements dans un contexte de reconstruction et d’explosion démographique. Et à la clé, un nouveau confort « moderne » que le cinéaste Jacques Tati caricature dans le film culte « Mon oncle », où le héros tente d’échapper à des serviteurs trop zélés : les appareils ménagers.

 

Si les tours et les grands ensembles ont été très critiqués – des barres sont détruites sous l’œil des caméras dès les années 1980 –, « certains demeurent des références, raconte Aurélien Vernant, historien de l’architecture et directeur de l’agence Architecture de collection. Comme les ensembles d’Auguste Perret au Havre ou la Cité radieuse de Le  Corbusier à Marseille. Ils racontent ces tentatives de vie communautaire que l’on retrouve dans les écoquartiers contemporains, autour d’équipements collectifs, bureaux, toits-terrasses, crèches, et du besoin de nature exprimé par une population française à 80 % urbaine. C’est l’une des idées phares de Le Corbusier : en surélevant ses constructions, il laisse de la place pour créer une rue centrale où peut se nouer la vie sociale des habitants, comme dans un village ».

 

Entre-temps, la révolution la plus importante de l’habitat a été celle des écrans. « On pensait, ajoute Monique Eleb, que les images de la famille parfaite regardant la télévision, comme auparavant on écoutait la radio, tous assis le dos droit dans la cuisine ou le salon, étaient éternelles. » Arrive 1968 et son style beatnik, ses fleurs psychédéliques, ses couleurs insensées et son envie de libération du corps, des mentalités et des espaces. Cela donnera plus tard les lofts, les duplex, la mode de la cuisine ouverte sur le salon. La France embrasse ces visions excitantes que permettent le plastique et le synthétique, jusqu’au président de la République Georges Pompidou et son épouse – couple d’avant-garde – qui donnent le ton : le designer Pierre Paulin aménage trois pièces à l’Elysée dans un style futuriste. Nous sommes en 1969, l’homme marche sur la Lune.

 

Quelques années plus tard, en 1973, le canapé Togo synthétise l’époque. Il est imaginé par le designer Michel Ducaroy pour l’éditeur de mobilier français Ligne Roset. Plissé et posé à même le sol, il ne ressemble à rien de connu jusqu’alors dans les arts décoratifs français et va séduire le monde entier ; plus de 1,2 million d’exemplaires ont été vendus. Il initie ce que, dans les années 2000, on nommera « la génération avachie », née du mariage entre les innovations industrielles menées grand train par les Italiens, très forts en design (rotomoulages, mousses et plastiques injectés de nouvelle génération), et l’ordinateur américain.

 

Interactif et multitâches, ce dernier entre dans les foyers français à la fin des années 1990 sous les traits de l’iMac G3 coloré d’Apple. Peu à peu l’ordinateur ringardise la télévision. Il devient portable et s’invite dans toutes les pièces. « Moi qui faisais tous mes devoirs sur la table de la cuisine dans des cahiers, se souvient Nicolas, entrepreneur digital, ça m’amuse de voir mes enfants, qui sont désormais à l’université, pianoter allongés sur un coin de canapé. Dans notre mode de vie, le salon est central. Il est à la fois bureau, salle à manger, salle de jeux ou de télé. Que les chambres et les salles de bains soient plus petites n’a pas d’importance, ce sont des bulles ; le salon, lui, est un hub. »

 

Un hub le plus souvent nommé Ikea. Mixer les générations autour d’un mobilier confortable et contemporain est un changement majeur. « C’est au début du XXIe siècle, précise Jean-Paul Bath, directeur du VIA (association pour la valorisation de l’innovation dans l’ameublement), que le géant suédois s’impose en France grâce à son système industriel basé sur le meuble en kit composé de planches de mélaminé. Ikea remeuble l’Europe et ouvre la porte aux designers. » Minimalisme est le terme consacré pour ce style épuré qui fait la une des magazines. Les designers deviennent des stars, comme Philippe Starck et sa chaise Louis Ghost en plastique transparent, inspirée d’un fauteuil Louis XVI. Ils mettent en forme des usages en phase avec l’époque : nomades, transformables, escamotables, intelligents. Peu à peu le secteur se digitalise, les enceintes se glissent dans les accoudoirs, la lumière se module. On voit apparaître au Japon les premiers robots, présentés comme le futur personnel de maison.

Parallèlement l’architecture évolue, les cloisons intérieures disparaissent, les baies vitrées et les balcons se multiplient. L’espace et la lumière, la nature sont considérés comme un luxe dans les villes de plus en plus denses. Jean Nouvel démontre qu’il est possible de réaliser des lofts-HLM avec Nemausus, à Nîmes en 1986. Une grande pièce salon-salle à manger ouvre sur une baie coulissante et peut encore s’agrandir vers le garage. Les tours végétalisées apparaissent, comme celles d’Edouard François, mais aussi les façades végétales mises au point par le botaniste Patrick Blanc, puis les écoquartiers focalisés sur le bilan énergétique.

Les constructions en bois se développent

Le béton, mauvais isolant et désastreux pour l’environnement, est finalement remis en question. Les constructions en bois se développent, avec comme modèle le nord de l’Europe qui popularise les bâtiments passifs, bien isolés. Les architectes Jean-Paul Viguier et Manal Rachdi font grimper les arbres sur les façades (tour Hypérion à Bordeaux, Ecotone d’Antibes, Oxigen de Marseille) et s’inspirent aussi de la nouvelle vogue américaine, le biomimétisme. Ils puisent dans les techniques d’aération des termitières, les ailes perforées des libellules. D’autres expérimentent les constructions en chanvre ou recourent à l’algue verte, comme la future Algo House de XTU Architects. Des alternatives individuelles voient le jour, connectées, végétales et façonnées à la main, comme Kerterre. Les utopies se multiplient face au constat écologique, certains préfèrent imaginer des vies en pleine nature, façon survivalisme.

 

Si l’écologie est le maître mot de cette architecture du futur, elle n’est pas uniquement matérielle, elle est aussi sociale. Il s’agit de trouver des écosystèmes pour mieux vivre ensemble. « Le logement de demain sera “augmenté” assure l’architecte Manal Rachdi, fondateur de l’agence OXO. Pas seulement par la domotique et le fait que les appareils électroménagers connectés permettent d’économiser de l’énergie et de gagner du temps, mais par la création d’une sorte de “ rue digitale” entre voisins qui fait écho à celle, matérielle, de Le Corbusier. C’est le “coliving”. Dans la tour de l’Arbre blanc de Montpellier, des chambres sont à louer pour les amis, des bureaux à partager, un toit végétalisé à réserver pour des barbecues. Cela permet de diminuer la surface des logements, d’en réduire le coût mais aussi de créer une vie communautaire. » La part des travailleurs indépendants augmente, le télétravail se développe, l’âge du premier enfant recule. Le coliving, sur le modèle américain des Soho House, arrive en France. Dans ce nouveau mode de vie, l’expérience prime sur le statut. « Je ne ressens pas le besoin d’acheter un canapé signé, assure Sandrine, jeune recrue marketing, par contre j’ai envie d’avoir des voisins avec qui cuisiner, de pouvoir partager un balcon ou une perceuse. »

 

Côté déco, les designers se sont affranchis des lignes droites, des industries ; ils flirtent avec l’art et l’artisanat. Les objets se veulent moins nombreux mais plus affirmés. Avec une génération déjà connue à l’international composée entre autres de Constance Guisset, Ionna Vautrin, les Bouroullec, Mathieu Lehanneur, la France est en pointe et mixe les codes et les savoir-faire pour créer des objets d’émotion. Dans une étude publiée par le VIA en 2019 intitulée « Le French Design » et qui imagine l’art de vivre des Français en 2059, Joël de Rosnay suppose que nous fabriquerons nous-mêmes nos objets comme nous en avons envie grâce aux fichiers en open source et aux imprimantes 3D à louer avec des matériaux biosourcés. Tout ça dans la bonne humeur et le sourire partagé sous un arbre de paix ! 

 

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